L’auto-édition : pourquoi de plus en plus d’écrivains se lancent ?

L’auto-édition : pourquoi de plus en plus d’écrivains se lancent ?

Depuis quelques années, l’auto-édition a la cote. En 2020, c’était un livre sur cinq déposé à la Bibliothèque nationale de France qui était auto-édité. Après le confinement, nombreux sont les auteurs à avoir sauté le pas et ce pour plusieurs raisons.

 

Tout ceux qui ont déjà essayé de publier un livre le savent : se faire éditer n’est pas une chose aisée et les maisons d’édition peuvent refuser jusqu’à 90% des manuscrits qu’elles reçoivent. Alors, les artistes optent pour la solution alternative. “J'ai choisi l'auto-édition parce que c'est ce qui correspondait le mieux à ma personnalité et à mes attentes. Je ne suis pas très patiente et je n'avais pas envie d'attendre des mois une réponse d'une maison d'édition surtout pour éventuellement avoir un refus” explique Eloïse Michaels qui a publié trois livres de manière autonome. “J'ai [...] fini par envoyer certains manuscrits en maison d’édition, mais j'ai essuyé des refus et j'ai donc préféré continuer par la voie de l'auto-édition”. Les écrivains reçoivent parfois une réponse des mois plus tard, voire aucune. Il arrive aussi que les maisons d’éditions n’acceptent pas des manuscrits parce qu’elles ont déjà prévu de publier une autre œuvre de la même catégorie et qu’elles ne veulent pas avoir de doublon.

 

Pour d’autres, c’est le fait de conserver la maîtrise de leurs ouvrages qui a fait pencher la balance. “Je voulais garder le contrôle sur mon œuvre et choisir le message de mon roman, raconter mon histoire sans avoir à me plier à une ligne éditoriale et choisir chaque aspect visuel de mon roman” argue Sabrina qui avait déjà décidé qu’elle passerait par l’auto-édition et dont le premier livre auto-édité sortira bientôt. “J’ai des amis qui ont refusé d’être en maison d’édition parce qu’ils n’avaient pas le choix sur leur couverture [...], la mise en page et ils devaient changer certains passages de leur livre pour correspondre à la ligne éditoriale”. En effet, l’auto-édition permet de ne pas être soumis aux contraintes des éditeurs, de garder le contrôle sur les dates de sortie, la dimension, la police d’écriture, le synopsis etc. 

 

Bien que cela paraît simple sur le papier, s’auto-éditer demande beaucoup de temps, d’investissement et d’organisation, puisque c’est l’auteur qui doit se charger de tout faire, contrairement à l’édition classique où c’est la maison d’édition qui s’en occupe pour lui. “Pour publier un livre, il y a plein de métiers qu'on ignore. Le graphiste pour la couverture, les bêta lecteurs pour la cohérence du roman et des personnages, de l'histoire, le ou les correcteurs, le maquettiste pour la mise en page… On doit apprendre à faire tous ses métiers ou trouver des personnes pour le faire pour nous”, ajoute Sabrina. De plus, selon la loi française, une personne qui veut se faire publier en auto-édition doit fonder sa propre entreprise en tant qu’auto-entrepreneur. “Il y a beaucoup de démarches administratives” relate Lacy, qui a auto-édité son premier livre il y a peu, attachée au fait d’avoir un objet physique entre ses mains et de pouvoir mener jusqu’au bout ce projet qui lui tenait à cœur.

 

Les droits d’auteur, la rémunération et les frais demandés par certaines maisons d'édition sont aussi des arguments de poids. “On peut avoir jusqu’à 75% des droits avec un E-book et 65% avec le livre broché sur la plateforme Amazon”, affirme Haruki, auteur auto-publié depuis presque quatre ans. “On a rien à rembourser ou à débourser puisque le tirage se fait à la demande. Ça évite les pertes d'exemplaires.” En maison d’édition classique, les auteurs ne reçoivent généralement que 2% des revenus générés par le livre et parfois seulement après que les frais engagés ont été remboursés. “Il y a aussi les maisons d’éditions à compte d’auteurs. Celles-là font faire payer les auteurs. Ce sont plutôt des prestataires à mes yeux. Sans oublier les maisons d’éditions à compte participatifs. Une maison d’édition doit, pour moi, tout prendre en charge”, continue-t-il. “Il faut aussi faire attention aux arnaques.”

 

Les auteurs sont cependant d’accord entre eux : l’auto-édition n’est pas faite pour tout le monde. “Si la personne n'est pas prête à se donner à 100% dans son roman, mais également dans la publicité autour du livre, alors il vaut mieux qu'elle ne s'y mette pas. Ça peut être assez déprimant d'avoir travaillé pendant des mois sur un ouvrage et n'avoir aucun ou très peu de retour. C'est un monde dans lequel on est seul, il faut donc savoir bien s'entourer” indique Eloïse Michaels. Pour les écrivains qui souhaitent vivre de leur plume, la communication sur les œuvres sera extrêmement importante et ils devront tout faire eux même, puisque dans l’édition classique c’est la maison d’édition qui se charge également de la promotion du manuscrit. Fonctionner avec l’auto-édition implique aussi de devoir s’occuper de faire de la publicité.

 

Pour cela, deux solutions possibles. La première c’est de participer à des salons. “C'est un bon moyen de se faire connaître. Malheureusement, les lecteurs ne prennent pas toujours le temps de s'arrêter. [...] Et les grands salons [...] ne s'intéressent pas spécialement aux auto-édités donc on se retrouve dans de petits salons où il n'y a pas beaucoup de visiteurs”, continue la jeune femme. La seconde, moins coûteuse et qui peut vite faire ses preuves, c'est l’utilisation des réseaux sociaux. Sur Tiktok, par exemple, le #Booktok est très populaire et beaucoup suivi. “Faire des lives avec des chroniqueurs et des auteurs apporte beaucoup sur mes ventes” confie Haruki.

 

Malgré tout, l’auto-édition n’est pas toujours vue d'un très bon œil par les lecteurs, qui peuvent la dénigrer. “Je trouve que c'est assez triste d'inférioriser le travail des auteurs auto-publié au profit d'une maison d’édition”, déplore Eloïse Michaels. “La lecture ne devrait pas s'arrêter au mode d'édition, surtout quand on voit le travail fourni par certaines maisons d’édition autour d'un roman (manque de correction, problèmes de syntaxe, qualité de papier médiocre et j'en passe).” Les auteurs, eux aussi, ne sont pas tous convaincus. “Je leur dirai de s'essayer à ce mode d'édition, au moins une fois, avant de porter un jugement négatif et de se renseigner sur le travail fourni par les auteurs pour que leur roman voit le jour”, continue l’auteure. Pour Haruki, les maisons d'édition n’apprécient pas cette nouvelle méthode car elles craignent de se retrouver sur le banc de touche. “Ce sont avant tout des entreprises. Elles ont peur de faire faillite.” De plus, l’auto-édition semble avoir été acceptée partout sauf en France. “Elle est très bien vue aux États-Unis et en Europe en général”, assure-t-il.

 

Se lancer en tant qu'écrivain auto-édité permet également d’en apprendre beaucoup. Sabrina a ainsi acquis “plus de rigueur, et des nouvelles compétences. Maquettiste, n'est pas un métier qu'on apprend en 10 minutes". Haruki lui, se dit plus autonome et plus débrouillard qu’auparavant. “Ça ouvre à des perspectives que l’on pense inaccessibles. Il ne faut pas se limiter.” Au vu du nombre d’écrivains qui n’hésitent plus à franchir le cap et aux statistiques qui montrent que beaucoup publient leurs œuvres de cette façon, l’auto-édition semble donc encore avoir de beaux jours devant elle.

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