#MeTooGarçons : la parole se libère aussi chez les hommes

#MeTooGarçons : la parole se libère aussi chez les hommes

Le 22 février, à la veille de la cérémonie des César, marquée par le discours émouvant de Judith Godrèche sur les agressions sexuelles subies dans le milieu du cinéma, Aurélien Wiik lançait le hashtag #MeeTooGarçons pour briser l’omerta. Depuis lors, nombreux sont ceux à s’être exprimés sur les abus subis, dans le monde du cinéma, comme dans tous les autres.

De mes 11 ans à mes 15 ans, j’ai été abusé par mon agent et d’autres gens de mon entourage. J’ai porté plainte à 16 ans car il le faisait à d’autres. Je l’ai envoyé en prison. C’est possible”, témoigne l’acteur de 43 ans sur Instagram. Il dénonce également le “chantage contre des rôles”, “les dîners piégés organisés par des vieux avec plusieurs mineurs”, “les mains baladeuses”. ”Jusqu’à 25 ans, on m’a proposé des rôles en échange de faveurs. On a tenté de me droguer souvent". C’est toute l’industrie du milieu cinématographique qui est à nouveau remise en cause.

 Et il n’est pas le seul à en parler. Dans son sillage, d’autres comédiens se sont aussi exprimés. Après les plaintes de Francis Renaud, une enquête a été ouverte contre le réalisateur André Techiné, accusé de harcèlement sexuel et contre le directeur de casting Gérard Moulevrier pour agression sexuelle et contre X pour menaces de mort. “Ne jamais subir. Ne jamais oublier. Ne jamais se taire” tweet-t-il.

Dans une enquête de L’Obs publiée le 29 février, c’était Farouk Benalleg et Pierre Bégué qui déclaraient avoir été aussi victimes de faits similaires par le producteur Dominique Besnehard. Ce dernier a aussitôt démenti ces accusations. 

Cette libération de la parole a largement dépassé le cinéma. Sur X (anciennement Twitter), ce sont des centaines de personnes qui se sont mises à témoigner sur le réseau social, racontant leurs viols et agressions, de la part de cousins, partenaires, ou inconnus rencontrés sur des sites de rencontres. Des personnalités, elles aussi, se mettent à briser le silence. C’est le cas du député LFI de Loire-Atlantique Andy Kerbrat. “On ne guérit pas d'avoir été une victime, mais on peut se réparer, lentement, et même devenir député. J'ai été abusé de mes 3 à 4 ans par un prédateur, mort depuis, donc sans possibilité d'avoir justice”, déclare-t-il. “Des gens vous croient et vous aiment (ce qui a été mon cas grâce à mes parents). Vous réaliserez de grandes choses donc continuez à vous exprimer. Si vous le pouvez, allez en justice”.

Si l’impression de découvrir quelque chose de tout nouveau est bien présente, Lucie Wicky, doctorante en sociologie et qui réalise la première étude sur les violences sexuelles subies par les hommes, a expliqué, lors d’une interview pour France infos que cela n’était pas le cas. “Les hommes, comme les femmes, parlaient avant #MeToo mais on ne les écoutait pas. Ce qui est novateur, depuis le mouvement général de l'automne 2017, c'est la répétition et la fréquence de cette prise de parole. Les réseaux sociaux sont aussi un nouvel espace de dénonciation, individuel, social et médiatique”, analyse-t-elle. Dès les années 1990, apparaissaient déjà les premiers témoignages d’hommes à ce propos. Publiquement, c’est dans les années 2010-2015 qu’ils sont apparus, avec la création de l’association Colosse aux pieds d'argile par Sébastien Boueilh, qui dénonçait les agressions sexuelles dans le milieu du rugby.

De plus, les statistiques prouvent que les hommes sont moins nombreux à subir des violences liées à la sexualité. Une enquête menée par l’Institut national d'études démographiques rapportait qu’au cours de leur vie ils étaient 3,9% à en avoir fait la triste expérience contre 14,5% chez leurs homologues féminins. C’est d’ailleurs en moyenne 1 homme sur 18 qui en est victime à partir de 15 ans de la part de son ou sa partenaire contre 1 femme sur 6. 17% des filles et 3% des garçons subissent des agressions de la part d’une autre personne que leur partenaire.

Avec #MeTooGarçons, l’impact de la domination masculine est à nouveau révélé : dans 90% des cas, les hommes sont agressés par des adultes ou des hommes plus âgés, 80% le sont avant leurs 18 ans et 50% entre 0 et 10 ans, dans la famille et l’entourage proche. S’ils sont cependant plus crus que les femmes, beaucoup ont du mal à en parler et mettent en moyenne 20 ans avant de pouvoir le faire. La moitié d’entre eux ne le font pas.

Pour les victimes masculines, la construction sociale est un énorme frein. Parce qu’ils sont des hommes, ils chercheraient plus les relations sexuelles, peuvent plus facilement se défendre, ne peuvent pas être agressés. D’autres n’en ont pas parlé pendant le mouvement MeToo de 2017 parce qu’ils ne voulaient pas s’imposer ou bien parce qu’ils ne sentaient pas à leur place. Ils ont aussi du mal à trouver de l’aide : les associations sont parfois spécialisées pour aider dans le cadre de violences subies dans les clubs sportifs ou à l’église ou bien paraissent spécifiques pour les femmes. C’est le cas pour “Collectif féministe contre le viol", "Stop violences femmes" ou encore "SOS femmes”. Elles sont pourtant ouvertes à tous et à toutes.

En plus d’avoir la force d’en parler, les hommes subissent aussi une stigmatisation de la part de leurs homologues masculins. Ils sont victimes du même traitement que les femmes. “Je prends un peu de courage pour parcourir le #MeTooGarcons et écrire mes quelques vérités. J'ai été victime à 7 ans d'un homme en situation de pouvoir et de domination. Jamais une femme n'a nié ou minimisé la douleur que j'exprimais - Les seuls qui en ont ri sont des hommes” écrit un internaute sur X.

Dans 96% des cas, d’après le dernier rapport du ministère de l’Intérieur sur les violences sexuelles hors cadre familiale, ce sont des personnes de sexe masculin qui sont mis en cause dans ce genre d’affaire. Cela n’a donc rien d’étonnant que ce soit également des hommes qui se moquent et remettent en cause les témoignages de ceux qui en parlent publiquement en minimisant leurs paroles ou bien avec des propos homophobes. Heureusement, ceux-ci ne représentent qu’une minorité et beaucoup de féministes et d’associations ont affirmé leur soutien aux victimes. “L’ampleur de #Metoogarçons est due au courage des victimes qui ont parlé et à un soutien massif des femmes et des féministes”, a tweeté la sénatrice écologiste Laurence Rossignol. “Des amis se sont exprimés ces derniers jours, et je vous trouve très courageux ! On vous croit, je vous crois !” a quant à elle déclaré la présidente du Planning Familial, Sarah Durocher.

Pour revenir au monde du cinéma, depuis lequel tout est parti, le directeur de casting, Stéphane Gaillard, a annoncé sur Instagram avoir créé une boîte mail metooacteur@gmail.com dans le but de venir en aide aux victimes et de récolter leurs témoignages.

 

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