RDC : Les cris d’une souffrance silencieuse

RDC : Les cris d’une souffrance silencieuse

L’est de la République démocratique du Congo est victime de terribles violences depuis plusieurs décennies. La médiatisation du génocide permet au monde d’ouvrir les yeux sur une véritable mare de sang. Retour sur les raisons d'une rancœur historique assoiffée de sang.

“Même la guerre est quotidienne” (Marguerite Duras). Un quotidien fait de pleurs, de violence et de mort devenu quotidien pour les Congolais de la RDC. Si les joueurs de foot de la sélection du pays ou les réseaux sociaux ont contribué à alerter sur le génocide en cours dans l’est des terres congolaises, la souffrance dure depuis plusieurs décennies. Pour beaucoup, ce conflit a débuté en 2004, avec la guerre dans les régions du Sud-Kivu et du Nord-Kivu. Pourtant, cette violence et ces stigmates sont d’origine plus lointaine, un souvenir douloureux et victime d'une totale omerta, le génocide des Tutsis au Rwanda. Une blessure qui remonte en juillet 1994, il y a maintenant 30 ans, à cette époque l’ethnie principale au Rwanda se nomme les Hutus (85%), la seconde, moins nombreuse (14%), s’appelle les Tutsis. Lors de l’occupation coloniale belge au Rwanda, les Tutsis étaient “mieux traités” que les Hutus, les colonisateurs ont alors instillé une concurrence, une jalousie qui va s’avérer dévastatrice lors de leur départ. C’est donc avec ce bagage de ressentiments que les Hutus vont accuser les Tutsis d’avoir réalisé un attentat en organisant le crash de l’avion du président Juvénal Habyarimana, un rwandais issu de la tribu Hutu. Le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira était lui aussi dans l’avion et décédera également.

C’était le 6 avril 1994 et cette date va alors marquer le début d’un génocide sanguinaire. Par vengeance de cet attentat, la chasse aux Tutsis est lancée, les Hutus possèdent le nombre et la rage nécessaire pour tout anéantir sur leur passage. En seulement 100 jours, 800 000 Tutsis sont morts, ainsi que plusieurs Hutus considérés comme “modérés”, pas assez avides de sang selon les protagonistes de ce génocide. Deux ans de cauchemars pour les Tutsis et certains Hutus, c’est en 1996 qu’un parti tutsi, le Front patriotique rwandais (FPR) mené par Paul Kagame reprend le contrôle de la capitale Kigali. Plusieurs politiques, soldats ou encore miliciens, ainsi que 1,4 millions de civils qui ont pris part au génocide des Tutsis ont peur de subir de grosses représailles et vont alors fuir vers le Zaire, aujourd’hui la… République démocratique du Congo. 

Rwanda et RDC, des ennemis aux mêmes blessures

Si le Rwanda semble avoir stoppé le génocide des Tutsis grâce au FPR, les réfugiés rwandais qui arrivent au Zaïre découvrent une situation aussi chaotique. Au Zaïre, le dictateur Mobutu Sese Seko est au pouvoir depuis 1965. 1 an après le FPR, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) arrive à renverser Mobutu Sese Seko, c’est en 1997 que le Zaïre devient alors la désormais RDC, menée par l’homme de la révolte, Laurent-Désiré Kabila. Une réussite militaire pour le parti AFDL qui a pu compter sur le soutien… de Paul Kagame, la figure du Rwanda et du FPR. Une alliance entre deux pays africains donc ? Pas vraiment, 4 ans plus tard, en 2001, Laurent-Désiré laisse déjà sa place à son fils, Joseph Kabila. Les relations vont totalement changer entre les deux pays, Joseph Kabila et Paul Kagame ne vont pas tarder à se livrer à un nouveau conflit. La raison ? Selon Joseph Kabila, les réfugiés rwandais et investigateurs du génocide des Tutsis, sont les armes infiltrées du Rwanda. Des ennemis présents au sein même de l’est du pays. Un affront pour Paul Kagame, lui qui avait pourtant fait en sorte de stopper ces mêmes hommes et les exclure de son pays. Une méfiance qui va alors être la source de nouvelles violences en masse. 

Pourtant, cette méfiance commune va alimenter les conflits qui continuent de lacérer les deux pays. Le Kivu va alors accueillir des anciens réfugiés Tutsis du génocide et des réfugiés Hutus, complices du génocide des Tutsis, qui ont fuis lors de la prise du pouvoir de la FPR au Rwanda. Les anciennes victimes se retrouvent avec certains de leurs bourreaux, dans un même territoire en RDC. C’est alors que la guerre du Kivu fait rage depuis 2004, une guerre qui ne plaît pas forcément à la RDC. Le pays voit sa terre témoin de conflits sanglants, mais surtout, une terre ne peut pas pouvoir être exploitée en paix. En effet, le Kivu contient entre 60% et 80% des réserves du pays en coltan, un minerai indispensable pour la fabrication d’appareils électroniques (téléphones, ordinateurs). Enjeux économiques et politiques donc pour la RDC.

Le M23, une épée sanglante au maître indéterminé

Le 23 mars 2009, un accord de paix est signé à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. On pense enfin à la paix dans cette région si meurtrie, pourtant, le Rwanda ne prend pas part au processus de paix. Une décision controversée et donc la raison des batailles meurtrières encore présentes aujourd’hui. Ce traité prévoyait de libérer des prisonniers du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), le retour de plusieurs réfugiés et faire du parti un parti politique du paysage Congolais. Pourtant, selon le CNDP, les accords ne seront pas tenus par la RDC, c’est en 2012 que le groupe armé M23, en référence à la date de signature du traité, va voir le jour. Leur objectif, renverser l’actuel gouvernement congolais. C’est alors que le Rwanda rentre en scène, la majorité des membres du M23 sont des Tutsis qui ont fui le Rwanda. La RDC accuse alors Paul Kagame de soutenir ce groupe qui souhaite prendre le contrôle du pays. Malgré les déclarations du président rwandais qui explique ne jamais avoir soutenu le M23, l’ONG Human Rights Watch a publié le 6 février 2023 un rapport qui prouve plusieurs soutiens logistique, financier et humain apportés par le Rwanda au M23.

Le nouveau président de la RDC, Félix Tshisekedi, réélu en décembre 2023 ne souhaite pas entamer de négociations tant que des soldats rwandais sont dans le Kivu. Tandis que Paul Kagame dément les liens avec l’organisation. C’est donc dans cette situation chaotique que le M23 continue son avancée sanglante, désormais aux portes de la capitale du Kivu, Goma. Pendant que l’armée congolaise tente de stopper le gang armé, les civils du Kivu sont victimes des plus grandes tortures et violences. Des peuples et tribus décimées dans des vengeances avides et aveugles, des familles et des enfants qui ne sont pas épargnés et tués pour venger d’autres familles et enfants exécutés avant eux. Une escalade de violences qui n’a jamais réellement cessé depuis le génocide du Rwanda, des peuples africains se livrant des guerres déclenchées par des années d’esclavagisme et d’occupations par des colons venus d’ailleurs. Aujourd’hui encore, Tutsis, Hutus, Congolais, sont victimes du même cercle vicieux, meurtrier et impitoyable.

Ismaël El Jamal

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