Le Siècle : temple secret du pouvoir

Le Siècle : temple secret du pouvoir

Secte, club élitiste ou encore cénacle parisien, nombreux sont les termes pour définir Le Siècle. L’association créée en 1944 s’était retrouvée sous le feu des projecteurs malgré elle, après les accusations contre Olivier Duhamel, son ancien président de 2019 à 2020.

La France venait à peine de se libérer que le pouvoir était déjà source de convoitise. C’est le 2 septembre 1944, quelques mois seulement après le débarquement allié salvateur en Normandie, que le Siècle est fondé par le journaliste radical-socialiste et franc-maçon Georges Bérard-Quélin. Résistant arrêté par la Gestapo et président de la maison d’édition, La Société générale de presse, c’est une figure discrète, mais l’un des hommes les plus influents des années 60 et 70. Officier de la Légion d’honneur, trésorier du Parti Radical (mouvement radical de gauche-socialiste), commandeur de l’Ordre national de Mérite et membre… du Grand Orient de France, la plus ancienne organisation maçonnique française. Autant de titres et de fonctions pour un seul homme lui conférant ce que beaucoup désirent toute une vie, le pouvoir. Georges Bérard-Quélin est décrit en 1965 comme “l’influent patron radical et franc-maçon de la Correspondance de presse” selon Michèle Cotta, journaliste et écrivaine française. Le Siècle est donc son idée et son idéal, un cercle mondain et élitiste, un temple de la bienséance né dans les moments les plus sombres de l’histoire de la France. Une organisation basée sur le pouvoir, une chimère perdue pendant plusieurs années sous les griffes acérées des Allemands. Désormais, les puissants et influents français se réunissent déterminés à ne plus perdre leurs privilèges et reconstruire un pays meurtri par la guerre.

La réunion sélecte des élites

Ministres, magistrats, journalistes, conseillers d’Etat, patrons, avocats ou encore banquiers, la liste est longue pour réunir toutes les professions des membres du Siècle. Leur point commun ? Faire partie des élites du pays. Leur but ? Abattre les cloisons entre la société politique et la société civile et réunir les acteurs du pouvoir pour garder ce Graal et préserver les avantages de chacun. Devenir membre du Siècle n’est pas chose facile, il faut être parrainé par deux parrains du club et avoir une importance dans la scène politique française. Un Conseil d’administration d’une douzaine d’élus délibère alors de l’admission du candidat. Une décision si importante que le temps de délibération est d’une année, pendant ce temps le futur membre ou non du club a un statut d’invité. Le vote se procède d’une manière assez archaïque, chaque élu du conseil possède une boule noire et une boule blanche, noire c’est le refus, blanc c’est l’acceptation. Pour éviter tout conflit ou personne non désirée au sein du club, il faut avoir un taux supérieur à 67% de boules blanches pour être admis. Lors de son adhésion, le nouveau membre signe et est soumis à une règle non écrite pour garder secret les membres et sujets discutés lors des réunions. Une place qui n’est pas définitive, lorsqu’un adhérent cesse d’exercer une fonction importante dans le microcosme politique français, il est alors exclu. C’est donc tous les mercredis de fin de mois que ce cercle mondain se réunit autour d’un dîner à 21 heures au 33 rue du faubourg Saint-Honoré, à deux pas de l’Elysée. Lors de ce dîner, des groupes de personnes sont réparties sur des tables dirigées par un président chargé de lancer des débats. Plus tard vers 23h, ce sont tous les invités qui se réunissent pour parler ensemble des sujets importants dans la société. Le siècle est alors le “pont entre des mondes qui s’ignorent trop en France (politiques, hauts fonctionnaires, journalistes, industriels, banquiers)” selon Le Monde diplomatique.

De l’ombre à la lumière malgré elle


Début 2021, l’affaire Duhamel a mis le Siècle dans une lumière qu’il a toujours cherché à éviter. Certains se sont demandés si le club pouvait se retrouver affecté par cette affaire, pour beaucoup, c’est impossible. Difficile de les contredire, tant depuis 2 ans désormais, l’affaire est tombée dans l'oubli total. Le Siècle, c’est “la France éternelle” et cette France éternelle est inébranlable. Olivier Duhamel, président et élu à l’unanimité en 2019 (un mandat dure 3 ans), avait pourtant laissé le club et ses 766 membres (dont les invités) dans une situation embarrassante tant l’homme et l’organisation sont liés. Duhamel est rentré à 33 ans dans l’organisation en 1983, un exploit, si jeune, il était parrainé par le haut fonctionnaire Simon Nora et l’ex-patron de RTL Jacques Rigaud. Un poste de président qui assoit encore plus le pouvoir de Duhamel, il est décrit comme “le roi partout” selon Ariane Chemin, reporter pour Le Monde. Une puissance qui affecte cette affaire de viol et contribue encore plus à cette omerta : "Ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est qu'on a une omerta familiale et elle se double ici d'une omerta sociale immense parce que le pouvoir d'Olivier Duhamel était très étendu". Parmi les personnes au courant de cette affaire figurent Jean Veil, avocat et fils de Simone Veil, Marc Guillaume, préfet de Paris et Frédéric Mion président de Science Po Paris. Les 3 hommes sont tous membres du Siècle. Depuis plus de 2 ans désormais le silence s’est imposé dans cette affaire, Véronique Morali est nommée présidente et tout est mis en œuvre pour oublier la gravité des annonces à l’encontre d’Olivier Duhamel.  Une affaire où le silence est roi et dont beaucoup des acteurs sont d’une organisation commune ou deux mots règnent, le pouvoir et le secret.

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