#Booktok : une véritable influence

#Booktok : une véritable influence

Tiktok avec son #booktok recense près de 90 millions de vidéos au sujet de la littérature. Le réseau social semble influencer les achats des jeunes lecteurs pour le meilleur, mais aussi pour le pire.

“Je fais ma wishlist uniquement grâce à Tiktok”, raconte Aurore, étudiante en BTS. Pour choisir ses nouvelles lectures, elle se rend sur l’application et regarde les différentes recommandations des utilisateurs sur les 90 millions de vidéos postées. Par la suite, la jeune femme prend note des titres qui lui tape à l’œil et créée ainsi sa wishlist (liste de souhait en français). “Tout va dépendre des avis des booktokeurs (créateurs de contenu sur Tiktok, en lien avec le #booktok), rejoint Lara, lycéenne. Toutes deux utilisatrices de la plateforme, le #booktok leur est très utile pour faire des découvertes littéraires. Ce hashtag permet de retrouver plus facilement les vidéos directement en lien avec le monde du livre. “Il y a des romans que je n’aurais jamais lus s' ils n’étaient pas passés sur my for you page”, continue Aurore . La “for you page” ou en français “pour toi” est le fil d’actualité où les vidéos défilent sur le réseau social. 

Une preuve de qualité

*Pierre travaille à la Fnac de Nice sur l’avenue Jean-Médecin. Des étiquettes avec inscrit “phénomènes Tiktok” sont collées sur les romans les plus vues de la plateforme. “Quand les gens voient ça, ils se disent que c’est un bon livre, qu’il a été partagé à de nombreuses reprises sur les réseaux sociaux. C’est vendeur !”, résume-t-il. Pour lui, l’application chinoise permet au marché du livre de se redonner une nouvelle image et serait même essentielle pour qu’une histoire soit la plus partagée. Laura Camilleri, influenceuse littéraire sur Instagram, sous le nom de @les_roses_d_olilire, a le même avis : “Grâce à Tiktok, des livres comme Le Chant d’Achille qui n’avaient pas fonctionné à leur sortie, ont pu se faire une renommée”. Pourtant, la jeune femme n’est pas une “grande consommatrice” du réseau social : “Pour choisir un livre, je préfère flâner dans les rayons, avoir un coup de cœur en regardant les différentes pages de couverture plutôt que d’avoir des recommandations sur Tiktok”.

*nom modifié pour garder l’anonymat

Rayon jeunesse de la Fnac de Nice avec les plus grands succès Tiktok sur l’étagère © Lola Baron

Un impact à tous les niveaux

Marlène Garnier travaille à la librairie Jean-Jaurès, à l'entrée du Vieux-Nice. Elle a constaté une augmentation de ses ventes depuis plusieurs mois : “Grâce aux réseaux, on a beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes qui viennent acheter dans les petites librairies de quartiers, surtout de la romance”. Néanmoins, la libraire réalise les dangers des plateformes sociales : “Il y a un manque de préventions. On a pas mal de collégiennes qui nous demandent des romans pas adaptés à leur âge comme des Colleen Hoover qui sont assez violents pour des personnes de moins de 16 ans”. Un obstacle à la prévention fait barrage à la vendeuse : les parents. “Généralement, ils ne savent pas quand il s’agit d’un livre explicite. On est obligé de montrer certaines pages choquantes. Mais parfois, les parents sont butés, heureux d’acheter un livre à la demande de leurs enfants. Ils ne comprennent pas les dangers et ça peut être très impactant, notamment pour le développement personnel et psychologique”, s’inquiète Marlène Garnier. Marianne Fongione est psychologue et autrice dans le 06. Elle explique les modifications psychiques que les lectures non adaptées peuvent créer : “Les enfants pensent que ce qui est écrit doit être la réalité. Beaucoup deviennent violents et reproduisent les comportements toxiques”. La psychologue averti les parents : “Il en vient de leur responsabilité d’intervenir en amont et de faire de la prévention concernant les contenus explicites.” 

“Il faut une certaine maturité”

“Il y a des ados de 12-13 ans qui veulent lire de la dark romance”, s'insurge Laura. La dark romance correspond à des romans d’amour contenant des scènes à caractères sexuelles, violentes ou bien faisant référence aux différents traumatismes des personnages. “J’étais à la librairie et j’y ai vu une gamine vouloir acheter Captive, roman mature, parce qu’elle était tombée sur une vidéo au sujet de la collection. La vendeuse a refusé de le lui vendre, fort heureusement. Il faut une certaine maturité pour le lire”, confie-t-elle. Cette collection de Sarah Rivens raconte l’histoire de femmes dites captives décrites comme “les ombres des plus grands réseaux” et appartenant à leur chef “les possesseurs”. 

Les avertissements trouvables chez Cultura © Tiktok

L’influenceuse, à la centaine d’abonnés, explique que sur la plateforme les préventions ne sont pas prises pour diriger les lecteurs vers des romans correspondant à leur catégorie d’âge. Certaines librairies et espaces culturels, comme les Cultura, ont mis en place des rayons où les romans matures sont annotés pour prévenir des sujets sensibles abordés. À la Fnac de Nice, pas de préventions particulières : “On classe les livres en fonction de leur catégorie. Je ne pense pas que le fait d’inscrire des TW change la donne. Si un ou une ado veut acheter un livre mature, on ne pourra pas l’en empêcher car rien ne nous interdit de le faire”, termine *Pierre. Les TW (ou trigger warning) sont des avertissements psychologiques pour les lecteurs sensibles aux différents thèmes abordés dans un roman.

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