Mais qui se cache derrière le Sheriff ?

Mais qui se cache derrière le Sheriff ?

Le Sheriff Tiraspol, petit club de Transnistrie, pays pro-russe non-reconnu, intrigue par son histoire et sa position géographique. Situé entre la Moldavie et l’Ukraine il vit toujours au rythme soviétique et joue sur la scène européenne.

Sortez votre walkman, mettez vous une bonne musique d’Earth, Wind and Fire, pourquoi pas September parce qu’aujourd’hui, on retourne des décennies en arrière. Direction la Transnistrie, un pays auto-proclamé toujours calqué sur des valeurs soviétiques, ici, les frasques de Boris Eltsine de l’après-URSS remontent nostalgiquement avec une douce odeur d’alcool. Soutenue par la Russie dans sa quête de reconnaissance, la Transnistrie, petit territoire de l’Est de la Moldavie est coincé entre la Moldavie et l’Ukraine. Essentiellement russophone, ce “pays” de 500 000 habitants est né en 1992, la cause ? La décision de la Moldavie de prendre le roumain comme langue officielle et de se séparer de la Russie et du modèle communiste. Impossible donc pour ce territoire si proche de la culture soviétique. Désormais l’Etat, protégé par la Russie, possède sa monnaie (le rouble de Transnistrie), son drapeau doté des emblèmes du communisme (la faucille et le marteau), son hymne et ses propres institutions. Sa capitale est la deuxième ville la plus peuplée de Moldavie avec 133 000 habitants… Tiraspol. Oui, Tiraspol comme le Sheriff Tiraspol, le club qui a battu les futurs vainqueurs de la Ligue des Champions, le Real Madrid 2-1 à Bernabeu en phase de poule le 28 septembre 2021.On a pu les retrouver en France en 2023 puisqu'ils jouaient contre l’OGC Nice en 8e de finale de la Ligue Europa Conference, malheureusement pour nos amoureux du soviétisme Nice shot the Sheriff comme dirait Bob Marley. Et oui, il est possible de gagner contre le Real, mais perdre contre Nice, va savoir avec les transnistriens tout est possible. Cette saison, nos amis étaient de retour en ligue Europa, pour finalement terminer à la dernière place du groupe G avec seulement 1 petit point pris contre les Belges de Servette. Mais comment un club d’un si petit territoire de Moldavie a-t-il réussi à se retrouver aux premières loges du football européen.
La KGB connexion représente
Ce titre aurait pu faire une bonne intro pour un groupe de rap pourtant le KGB n’a rien à voir avec NTM, IAM ou, pour les réfractaires au rap, la Compagnie Créole. Le KGB, c’est un service de sécurité soviétiques avec pour but le renseignement et le contre-espionnage à l’intérieur et/ou à l’intérieur de l’URSS créé en 1954. Alors pourquoi donc parler de cette organisation ? Parce que le président du Sheriff Tiraspol, Viktor Gushan (60 ans et moldo-russe) est un ancien membre de l’organisation arrivé en Transnistrie lors de son indépendance. Il s’est donc tourné vers le business pour contrôler ce territoire et y marquer l’empreinte russe. Commerce de cigarettes et d’alcool pour commencer en douceur et en bonne santé pour ensuite s’emparer des commerces essentiels à la vie du territoire, tels que les supermarchés, stations-essence, communications, jusqu’aux médias eux-mêmes. Victor Gushan possède alors 60% de l’économie du pays soit 2 milliards de dollars (source : Forbes) avec ses sociétés au nom de “Sheriff” (son ancien surnom au KGB). La politique ne déroge pas à la règle, sa colossale fortune lui permet de créer son propre parti politique, Obnovlenie. Désormais seul parti présent au pouvoir, on dit alors de Viktor Gushan qu’il est réellement le président de la Transnistrie et un des oligarques russe les plus puissants. C’est donc au sport, dont les Russes sont très attachés, que l’ancien du KGB assoit son pouvoir, le Sheriff Tiraspol est alors créé le 4 avril 1997. Domination sans partage, le club a remporté 21 des 24 derniers championnats de Moldavie. La puissance économique de leur président leur permet de recruter des joueurs de haut niveau comparé au niveau moyen du championnat moldave (assez pauvre). Pour ceux qui se plaignent du PSG en ligue 1, on souhaite bien du courage aux fans du championn… enfin aux Moldaves. Son ascension a permis au club de s’illustrer sur la scène européenne pour avoir une portée tout aussi importante voir cruciale que celle sportive, celle politique.
Théâtre des tensions politiques actuelles
1,2,3… Action ! Scène 1, partie… Plus sérieusement, la lumière recherchée par Gushan et projetée sur le club lors de ses représentations européennes est plus que précieuse pour la Transnistrie. Le monde s’intéresse alors à ce petit bout de terre se proclamant indépendant, mais reconnu par personne, malgré sa protection russe. Le Shérif, représentante donc la Moldavie, ne pouvant pas se présenter comme un club de Transnistrie lors des compétitions européennes. Suite à la guerre en Ukraine, l’UEFA contraint le Sheriff à jouer dans la capitale de Moldavie, Chisinau. Le 16 février 2023, un match de seizième de finale de Ligue Europa Conférence les faisait recevoir les Serbes du Partizan de Belgrade. La sécurité était alors au maximum pour cette rencontre, la présidente moldave Maia Sandu, pro-européenne, redoute que des forces serbes (la Serbie étant plutôt étroitement liée à la Russie) et russes profitent du match pour réaliser un coup d’Etat dans la capitale. Le match se joue donc à huis clos et les supporters du Partizan, saboteurs ou non, sont bloqués à l’aéroport de Chisinau. Un ressentiment accentué par les dernières accusations des pro-russes, puisque quelques semaines plus tôt ils accusaient l’Ukraine d’avoir tenté d’assassiner leur président, un attentat déjoué selon le ministre des affaires étrangères et procureur de la Transnistrie. Un président et gouvernement du parti politique mis en place par… Viktor Gushan, président du Sheriff Tiraspol contraint de jouer ses rencontres européennes… dans la capitale Moldave. Une situation très tendue que certains diront être schizophrène tant les méfiances sont présentes des deux côtés, les pro-européens Moldaves et les pro-russes Transnistriens. Cette saison le Sheriff n'est pas champion, il laisse sa couronne au club Petrocub et ne sera donc probablement en coupe d'Europe pour la prochaine saison. Pourtant, le Sheriff Tiraspol est bien plus qu’un simple club de foot, c’est l’image du sport power à la Soviétique. 
Ismaël EL JAMAL
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